Automobile : l’Europe déclasse l’hybride rechargeable et offre un boulevard à 4,8 millions de véhicules à la Chine

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OTO-News (Automobile) – Le Salon de l’automobile de Munich 2025 aurait dû être le théâtre du triomphe de l’électrique pur, selon la feuille de route bruxelloise. Pourtant, derrière le discours de la transition se profile une déroute industrielle silencieuse, dont l’hybride rechargeable (PHEV) est devenu le symbole cinglant. L’Europe a choisi d’ignorer une technologie de pont, offrant un boulevard aux constructeurs chinois.

Comme le montre une étude de l’International Council on Clean Transportation publiée la semaine passée, entre 2020 et 2024, les ventes de PHEV ont explosé en Chine, passant de 238 800 à 4,86 millions d’unités, une croissance de 1 930 %. L’Europe, après avoir culminé à 910 400 ventes en 2021, stagne désormais à 772 500 unités. C’est une conquête : Pékin a créé l’équivalent de six fois le marché européen, transformant ses champions comme BYD et Li Auto en mastodontes mondiaux.

Les choix réglementaires de Bruxelles

Le déclin européen n’est pas un accident de marché, c’est la conséquence directe des choix politiques de Bruxelles. Obsédée par le « zéro émission », l’Union a systématiquement désavantagé le PHEV, le considérant comme une fausse solution. En donnant un bonus artificiel aux constructeurs pour les PHEV à faibles émissions théoriques, l’UE a créé un marché dopé aux subventions. Dès que ce multiplicateur a été divisé par deux en 2023, la bulle a éclaté.

L’Europe a perdu confiance lorsque les tests ont révélé que les PHEV, souvent mal rechargés par les conducteurs, émettaient 2 à 3 fois plus en mode thermique que les valeurs annoncées en laboratoire.

Le mécanisme ZLEV (2025-2029) vient achever cette stratégie. Il valorise presque exclusivement l’électrique pur. Face aux menaces d’amendes salées (95 euros par gramme de CO₂ de dépassement), le calcul pour un constructeur comme Stellantis ou Volkswagen est cynique : mieux vaut brader un petit électrique à bas prix qu’un SUV hybride sophistiqué. L’Europe ne croit plus dans ce pont technologique.

Dernier tour de piste, l’UE a proposé une flexibilité temporaire en avril 2025, offrant trois ans aux constructeurs pour se conformer aux objectifs d’émissions. C’est un aveu d’impuissance qui arrive après la bataille. Renault, Volkswagen et Stellantis ont besoin de cette bouffée d’oxygène pour gérer l’arrêt de leurs usines thermiques, mais cette respiration n’empêchera pas la percée chinoise, déjà effective.

La Chine invente le PHEV du futur

En 2023, les PHEV ont obtenu le même traitement fiscal que les BEV : exemption de taxe de 10 % et accès aux mêmes subventions. Ce choix stratégique est pragmatique : il permet d’offrir une mobilité à faibles émissions sans nécessiter l’infrastructure coûteuse et les batteries géantes du 100 % électrique. Pour le consommateur urbain chinois, c’est la fin de l’anxiété de l’autonomie, avec des coûts d’exploitation maîtrisés.

Mais la véritable rupture est technologique. Pendant que l’Europe stagnait à 70 kilomètres d’autonomie électrique moyenne, la Chine a franchi le seuil des 100 kilomètres Cette différence n’est pas fortuite : elle est imposée par la réglementation NEV chinoise qui récompense généreusement les PHEV à grande autonomie, créant une zone de rentabilité maximale.

Surtout, la Chine a inventé une nouvelle architecture : le REEV (Range-Extended Electric Vehicle), magnifié par Li Auto. Dans ce format, le moteur essence n’est plus qu’un générateur d’électricité, il n’entraîne jamais les roues. La traction est 100 % électrique en permanence. C’est plus simple, plus léger, plus efficace et permet d’offrir plus de 100 kilomètres d’autonomie avec une batterie compacte. Li Auto est devenu le maestro de cette catégorie de luxe, vendant plus de 500 000 véhicules en 2024, un volume qui dépasse, à lui seul, les rêves les plus fous des constructeurs européens sur ce segment.

Ce foisonnement se traduit par une offre pléthorique : 175 modèles PHEV chinois testent des niches (monospaces électriques, pick-up) face aux 138 modèles européens, qui campent trop souvent sur une seule ligne.

Le paradoxe du SUV et l’impasse stratégique

Le paradoxe, c’est que ce sont les SUV qui dominent le marché PHEV partout (61 % en Chine, 69 % en Europe, 86 % aux États-Unis). Et plus un PHEV est gros et lourd, plus ses émissions en mode thermique sont réelles.

Aux États-Unis, l’amour des gros SUV hybrides a carrément annulé les gains de la technologie, avec une augmentation des émissions moyennes de 24 % entre 2020 et 2024. C’est l’illustration parfaite de l’effet rebond : la technologie s’améliore, mais le consommateur achète un véhicule plus grand, annulant le bénéfice environnemental. La Chine fait exception, bénéficiant de l’efficacité du REEV, qui a permis de réduire ses émissions de 22 % sur la même période.

Aujourd’hui, l’invasion est en marche : la croissance des ventes de PHEV chinois en Europe a atteint 1 320 % en un an (août 2024 – août 2025). L’Europe, en cherchant la pureté réglementaire, a cédé une technologie de transition où elle aurait pu dominer pendant une décennie. Les constructeurs européens se retrouvent dans une impasse : soit ils basculent sur le 100 % électrique sans marge, soit ils ferment des usines, soit ils essaient de concurrencer les REEV chinois dont ils ne maîtrisent ni l’architecture, ni les volumes.

L’UE a cru qu’en retirant le PHEV du jeu, elle forcerait le passage vers l’électrique. Elle a en fait laissé la place à un concurrent plus agile. Le marché européen des PHEV, bloqué à 770 000 ventes, est désormais une réserve de croissance chinoise à ciel ouvert. L’Europe est arrivée après la bataille. Li Auto seul en livre plus que toute l’UE n’en a jamais rêvé.