Nabhen Bouchaala, Prt de Tunisian Automotive Association (TAA) parle d’une hausse de la production automobile au cours des 2 prochaines années

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OTO News (production automobile) – En s’alignant sur les politiques climatiques de l’Union européenne, le secteur de la construction automobile a pris le tournant vert. Le passage obligatoire à l’électrique a poussé cette industrie à rebattre ses cartes. La Tunisie peut-elle, alors, se positionner sur le nouvel échiquier automobile? “Avec la voiture électrique, la Tunisie a beaucoup de chance de voir son industrie fleurir même par rapport à ce qu’elle était avec les véhicules thermiques”, estime, en ce sens, Nabhen Bouchaala, président de la Tunisian Automotive Association (TAA). Il apporte son éclairage. Entretien.

Au cours de ces dernières années, la production automobile a été malmenée par les répercussions de la crise Covid qui a été suivie à son tour de la pénurie des semi-conducteurs. Comment se porte, aujourd’hui, le secteur automobile tunisien, trois ans après le déclenchement de la crise?

Vous savez, l’industrie automobile en Tunisie dépend beaucoup du marché européen. 90% de nos exportations sont destinés à l’Europe. Aujourd’hui, le secteur automobile commence à reprendre, en Europe, doucement après la crise Covid. Bien évidemment, il y a la crise des semi-conducteurs qui est survenue et qui a aussi posé un autre problème lié à la délocalisation de la production des semi-conducteurs dans des pays plus proches de l’Europe que les pays asiatiques. Aujourd’hui, le secteur commence à reprendre doucement. On sait que malheureusement, avec la récession économique en Europe, il n’ y a pas eu une accélération de la reprise mais ça viendra. On sait, aussi, que d’ici à deux ans, la production automobile retrouvera une activité normale ce qui permettra à la Tunisie de renouer avec les niveaux de production de 2018. Malheureusement, la période (entre 2018 et 2025) est assez longue. Donc, ça va être difficile pour la Tunisie de se maintenir. Heureusement, que les industriels tunisiens ont fait preuve de résilience et ont su maintenir l’activité de production. Nous avons pu garder le même niveau de production et ce, malgré la baisse de la demande en Europe. C’était grâce à l’attribution de nouveaux projets qui nous ont permis d’augmenter le volume de production. Je dirais que la production automobile va enregistrer une augmentation très importante au cours des deux prochaines années étant donné que de nouveaux projets de grande capacité ont été réalisés et sont entrés en production .

L’électrification du parc automobile en Europe (premier marché d’exportation) constitue un défi de taille pour l’industrie automobile tunisienne. Est ce que les industriels sont prêts à s’adapter à cette nouvelle donne ?

Je vais être honnête et vous dire qu’heureusement, la Tunisie s’est spécialisée dans le câblage électrique, la production des cartes et pièces électroniques. Il est vrai aussi qu’on produit une partie des pièces mécaniques. En fin de compte, la fabrication de la carrosserie et des pièces pour châssis va se poursuivre même avec les voitures électriques. D’une manière générale, on peut dire qu’avec l’électrification des véhicules, la Tunisie a beaucoup de chance de voir son industrie fleurir même par rapport à ce qu’elle était avec les véhicules thermiques puisque les véhicules électriques nécessitent beaucoup plus de cartes et de pièces électroniques. Certainement on aura plus de parts de marché sur les produits électriques que sur les produits mécaniques. C’est pourquoi nous, en tant qu’association, nous avons pensé, dans le cadre de notre pacte de compétitivité avec le gouvernement, à attirer un constructeur de véhicules électriques parce que la Tunisie s’apprête vraiment à prendre le tournant électrique. On a tout ce qu’il faut pour produire les véhicules électriques en Tunisie. Ce qui nous permettra réellement de changer la donne, c’est le fait d’avoir un écosystème autour d’un constructeur. Le marché tunisien est très petit. Notre demande se limite à 50/60 mille véhicules par an. C’est très petit comme marché pour un constructeur. Par contre produire en Tunisie et exporter vers l’Europe: c’est faisable. On peut fabriquer les voitures électriques en Tunisie à moindre coût.

Quels sont les atouts qui peuvent être offerts aux potentiels constructeurs de véhicules électriques qui souhaiteraient s’installer en Tunisie ?

Tout d’abord, aujourd’hui, il y a des centres d’études et de développement en Tunisie qui sont consacrés aux véhicules électriques. Vous savez qu’il s’agit d’un produit qui nécessite beaucoup de développement. C’est un véhicule qui n’est pas figé mais qui évolue. La voiture électrique, ça change tellement qu’on a besoin d’effectuer des études et du développement sur place. La Tunisie peut offrir ça. La qualité des ingénieurs et des cadres dans le domaine de développement et études est en, ce sens, un atout clé qui permet de développer ces centres. Deuxièmement, la Tunisie a développé une excellence dans la production des pièces électroniques et électriques puisqu’elle produit déjà des composants pour l’automobile. Un autre avantage qu’on peut instaurer : on veut demander à l’Etat d’octroyer des avantages spécifiques au véhicule électrique parce que son déploiement en Tunisie permettra de créer un écosystème autour de ce produit et nous ouvrira la voie vers la fabrication locale d’autres composants qui ne sont pas encore produits en Tunisiel.

Beaucoup s’accordent à dire que la guerre en Ukraine a ouvert un boulevard à l’industrie automobile tunisienne. Est-ce que la Tunisie a su saisir cette opportunité ?

C’est vrai qu’il y a eu une opportunité. Mais on l’a saisie en partie. Il y a eu une grande opportunité, comme en témoigne l’expérience du groupe Nexans qui a pu dupliquer ses sites d’Ukraine en Tunisie et lancer la production en deux mois. Il y a, aujourd’hui, des entreprises qui étaient installées en Ukraine et qui ont délocalisé leurs activités en Tunisie. Donc, l’opportunité d’augmenter la capacité de production s’est véritablement offerte à nous mais on aurait pu mieux faire.

Quelle place pourrait occuper l’innovation dans la filière automobile ?

Aujourd’hui, l’industrie automobile est en train de changer. On voit qu’elle est en train de muter vers une industrie plus technique avec des spécificités électriques, de nouveaux process, etc. Et donc, le véhicule électrique,autonome et connecté est un gisement d’innovation parce qu’il demande, entre autres, des programmations informatiques. Et c’est particulièrement dans ce domaine-là que la Tunisie a un capital humain qui est capable de développer des produits pareils. L’innovation tunisienne a cette possibilité d’améliorer le processus existant dans les véhicules plus rapidement et avec des coûts très bien étudiés. Je dirais que l’innovation dans les véhicules électriques est notre challenge aujourd’hui. D’ailleurs, on l’ a bien fait savoir : on ne veut plus voir la Tunisie comme une entité manufacturière. Faire de la manufacture c’est bien, on est d’accord. Mais on vise plus loin en fixant le cap sur l’étude et le développement. Aujourd’hui, on sait que plusieurs fabricants de pièces automobiles ont installé leurs centres d’études et développement en Tunisie. Et c’est là où intervient l’innovation et la recherche et développement (R et D). D’ailleurs, on a quelque chose de nouveau qui est en train de se développer de plus en plus en Tunisie : les centres de test et de validation. Avant, on produisait les pièces automobiles et on les envoyait en Europe pour la réalisation du testing parce qu’on ne dispose pas de centres de test et de validation. Aujourd’hui, le secteur privé est en train de se doter de ces centres techniques qui nous permettront après la phase de production, de tester, valider et sortir une pièce finie. Tout le processus ayant lieu en Tunisie.

Où en est-on par rapport au pacte de compétitivité ?

Nous avons signé le pacte de compétitivité, le 6 juillet dernier, avec la ministre de l’Industrie et la Cheffe du gouvernement. Il contient plusieurs axes de travail. Nous, en tant que secteur privé, nous avons déjà démarré nos actions. Nous comptons, en ce sens, mettre sur pied un incubateur de start-up. Nous avons déjà signé un accord avec l’AFD portant sur 400 mille euros pour le lancement de l’incubation de 18 start-up spécialisées dans l’automobile. Le projet va démarrer dans un mois. Et puis on a travaillé sur la formation professionnelle. Pour la formation académique, nous avons lancé notre TAMA (Tunisian Automotive Management Academy), qui offre à partir de vendredi dernier des cours dispensés par des formateurs tunisiens, et ce, après une période d’accompagnement assuré par un partenaire allemand pour une période de deux ans. On a, désormais, tout ce qu’il faut pour que les Tunisiens prennent en charge la gestion de la TAMA. Et on aura des ingénieurs et des techniciens qui seront formés dans les métiers de l’automobile. Nous avons aussi démarré, en tant qu’association et en tant que secteur privé, une analyse de la situation pour voir comment se préparer aux nouveaux métiers dans le secteur automobile. Nous allons, en ce sens, démarrer des cours spécifiques au niveau de la TAMA pour adapter les cursus aux nouveaux challenges du secteur. Dans les jours à venir nous allons avoir une réunion avec les différents ministères concernés pour définir la gouvernance du pacte.

Ce qui va permettre d’assurer le suivi de l’état d’avancement de la mise en œuvre du pacte. On sait, qu’en tant que privé, nous avons déjà démarré notre part du travail et les actions exigées par le pacte en contrepartie, on n’a pas vu beaucoup d’avancement de la part de l’Etat. C’est pour cette raison qu’on préfère instaurer cette gouvernance (vous savez que le secteur privé a agi plus rapidement que l’administration). On veut la ramener à notre vitesse pour qu’elle mette en œuvre les mesures qui sont du ressort de l’Etat.

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